mercredi 29 février 2012

LOLITA

"Lolita, lumière de ma vie, feu de mes reins. Mon péché, mon âme. Lo-li-ta : le bout de la langue fait trois petits pas le long du palais pour taper, à trois reprises, contre les dents. Lo. Li. Ta.
Le matin, elle était Lo, simplement Lo, avec son mètre quarante-six et son unique chaussette. Elle était Lola en pantalon. Elle était Dolly à l'école. Elle était Dolorès sur les pointillés. Mais dans mes bras, elle était toujours Lolita."







Que je vous dise encore, j'ai quinze ans et demi. C'est le passage d'un bac sur le Mékong.

A la fin elle ne l'avait plus vu, le port s'était effacé, et puis la terre. Une nuit au cours de la traversée de l'océan indien il s'était produit dans le grand salon principal, l'éclatement d'une valse de Chopin. Il n'y avait pas un souffle de vent et cette nuit là, la musique s'était répandue partout dans le paquebot noir comme injonction du ciel, comme un ordre de dieu dont on ignorait la teneur. Elle avait pleuré parce qu'elle avait pensé à cet homme de Cholon, son amant, et elle n'avait pas été sûre tout à coup de ne pas l'avoir aimé d'un amour qu'elle n'avait pas vu, parce qu'il s'était perdu pas l'histoire comme de l'eau dans le sable et qu'elle le retrouvait seulement maintenant, à cet instant de la musique, jetée à travers la mer.





      à   Marguerite Duras